Citation : Mary Quant " Ni moi, ni Courrèges n'avons eu l'idée de la minijupe. C'est la rue qui l'a inventé "
Loi : Neuwirth 1965 : les femmes peuvent travailler sans avoir l'autorisation de leur mari et peuvent toucher le chômage
InventionS : Minijupe, robe courte, collant
Peoples : Brigitte Bardot, le mannequin Twiggy, Françoise Hardy, Sheila
En une décennie le vestiaire des femmes va connaître une révolution. En presque 10 ans, les jupes et robes des femmes françaises vont perdre plus de 10 centimètres.
Ce changement se fait tout d'abord dans les années 1940, durant la seconde guerre mondiale. En effet, au départ les femmes commencent par retrousser leurs jupes et leur robes, pour être plus confortable, dévoilant ainsi une partie de leur corps jusque là gardées secrètes : leurs chevilles. Une nouvelle vision qui ne laissera pas insensibles les hommes revenus par la suite de la guerre.
Un rétrécissement des jupes que les femmes vont garder et ce, même après la guerre. En le même temps, en 1947, la maison Dior commercialise ses robes Corolles qui dévoilent, elles aussi, les chevilles. Quelques années plus tard, c'est Coco Chanel qui se montre plus audacieuse avec ses tailleurs en dessous des genoux. Mais ces vêtements ne sont rien à côté de la révolution que va être le port de la minijupe par les femmes. Un vêtement qui va à la fois conquérir le monde de la mode et la rue.
CréateurS : Mary Quant, André Courrèges
5 points à retenir
L'innovatrice
Mouvement pour le planning familial : Avant de s'appeler le planning familial, c'est sous le nom de ''maternité heureuse'' que l'association est connue. Elle est fondée en 1956 par la sociologue Évelyne Sullerot etla gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé avec l'aide du docteur Pierre Simon. Son but est de promouvoir le contrôle des naissances et lutter contre les avortements clandestins. Le nombre d'avortements en France y est trop important, il y aurait environ 1000 par jour, soit 360 000 par an. En 1960, le planning familial prend la suite de la ''maternité heureuse''.
Loi Neuwirth : La loi est votée le le 19 décembre 1967 par l'assemblée nationale. Elle autorise l’usage des contraceptifs, et notamment la contraception orale. Elle doit son nom au député gaulliste Lucien Neuwirth, qui a soutenu le projet durant plusieurs années. Il dépose en effet le projet de loi le 18 mai 1966. Promulguée le 28 décembre 1967, son application sera cependant lente, les décrets ne paraissant qu’entre 1969 et 1972.
Mouvement de libération des Femmes (MLF): est un mouvement féministe héritier des luttes féministes historiques, du Women's Lib américain naissant, des mouvements contestataires comme le mouvement de mai 1968, des luttes pour le droit à la contraception et à l'avortement amorcées par le Planning familial en France, de toutes les luttes contre les différentes formes d'oppressions et de misogynie, et des revendications à l'égalité de tous les droits, moraux, sexuels, juridiques, économiques, symboliques.
Le gouvernement français lui aussi s'insurge contre l'arrivée de ce bout de tissu. Alain Peyrefitte lance, notamment, un appel pour que les lycéennes s'habillent décemment. Certains lycées refusent d'ailleurs d'accueillir les jeunes filles qui portent des minijupes. Le préfet de la police prévient d'ailleurs les femmes qui la mettent en leur disant « à vos risques et périls. »
Un discours dissuasif que l'on retrouve encore aujourd'hui, plus de 50 ans après sa création. Il n'est pas rare d'entendre une jeune femme qui met une minijupe se faire insulter d'allumeuse ou pire. D'ailleurs, la gloire de la minijupe ne durera qu'une dizaine d'années, elle sera très vite remplacée dans les années 70 par le pantalon et par des jupes plus longues mais très échancrées.
Depuis les années 80, la minijupe a bien refait son retour mais de façon discrète. Eve Berthero, ancienne styliste chez ''Le coq Sportif'', trouve « que peu de jeunes filles portent désormais la minijupe ou alors avec un leggings pour cacher ses jambes et ses formes. Cinquante ans plus tard, il n'est pas plus facile pour une femme de porter une minijupe. Dans les années 60 c'était un phénomène de mode, on suivait la tendance donc une majorité des jeunes femmes portaient des minijupes. On affichait une certaine indépendance, liberté, une façon de se révolter donc on portait une minijupe donc finalement les hommes l'acceptaient. Aujourd’hui des femmes qui portent des minijupes, il n’y en a plus tellement. »
Cependant, la minijupe ne fait pas que des heureux, une tranche de la population ne voit pas d'un très bon œil son arrivée. Les stars de l'époque peuvent se permettre de déambuler sur les plateaux des émissions en minijupe, ce n'est pas le cas des présentatrices.
En 1964, Noëlle Noblecourt, speakerine pour l'ORTF, est officiellement licenciée pour avoir montré ses genoux à l'antenne. Le monde de la mode n'est lui aussi pas unanime concernant la minijupe, comme Coco Chanel qui disait en 1969, «C'est affreux tout ça. C'est affreux de faire voir ses genoux».
Pour Marie-Christine Gambart, réalisatrice du documentaire « Minijupe, tout court !'', la créatrice de mode, s'était avant tout sentie «dépassé par le phénomène» : « Coco Chanel n'aimait pas la minijupe, car tout d'un coup ce n'est plus elle qui faisait la mode, c'était désormais les jeunes stylistes et cela, elle ne l'a pas supporté. Coco Chanel s'est sentie démodé. »
" C'est affreux tout ça. C'est affreux de faire voir ses genoux ", Coco Chanel, en 1969
Noelle Noblecourt : Officiellement la speakerine est renvoyée de l'ORTF pour avoir montrer ses cuisses à l'écran. Plus de trente ans plus tard, sur le plateau de l'émission ''Vincent à l'heure'' présenté par Vincent Perrot, elle affirme avoir été en réalité renvoyée pour avoir refusé les avances de Raymond Marcillac, alors directeur de l'information de la première chaîne.
Mais BB n'est pas la seule à avoir adopté le très court. Sheila, aussi, s'y met. En 1968, elle interprète sa chanson « Vamps » sur le plateau de « Si ça vous chante » de Guy Lux en minijupe et cuissardes. La minijupe se voit même devenir la star d'une chanson. En 1966, Jacques Dutronc sort « mini, mini, mini » où Françoise Hardy, sa campagne de l'époque, apparaît dans le clip avec la fameuse minijupe.
C'est à cette même période que l'on remarque que la façon de penser des femmes et de la société change progressivement. Les femmes se servent de la mode pour provoquer un changement de mentalité, obtenir leur liberté et de nouveaux droits, comme celle de l'accès à la contraception. En 1958, le « Mouvement pour le planning familial » est fondé. Au début des années 60, les premiers centres du planning familial sont ouverts dans la clandestinité, d'abord à Grenoble puis à Paris quelques mois plus tard. Ce sont des lieux d'informations pour les femmes mais aussi de luttes pour le droit à disposer librement de leur corps. C'est dans ces locaux que sont distribuées illégalement les premières pilules contraceptives, importée des États-Unis. Ce n'est que quelques années plus tard, en décembre 1967, sous la pression populaire et de certains politiques que la loi Neuwirth, qui autorise la fabrication et la délivrance de contraceptifs sur ordonnance est voté à l'Assemblée nationale.
Mais ce n'est pas tout, en plus de pouvoir désormais choisir quand elles peuvent avoir des enfants, les femmes françaises cherchent aussi à se défaire un peu plus de l'emprise des hommes. Ainsi, en 1965, la même année que l'apparition de la minijupe, les françaises sont considérées comme des travailleuses à part entière. Elles peuvent exercer une profession sans l'autorisation de leur mari, gérer leurs biens personnels elles-mêmes et toucher une allocation de chômage dont le droit leur était jusque-là refusé, car elles étaient considérées à la charge de leur mari. Ainsi dans les années 60, le travail féminin augmente. Si elles n'étaient que 40 % à travailler au début de la décennie, elles sont près de 50 % en 1968.
Tous ces signes convergent vers une émancipation de la femme et une libération sexuelle. Une volonté de disposer de son corps intervient d'ailleurs quelques années avant le « Mouvement de libération des Femmes », qui naît lors des mouvements de 68.
Mais si la minijupe permet de libérer les femmes, d'un autre côté elle les oblige à être irréprochables. En effet, en porter une oblige à se tenir d'une certaine façon pour ne pas être indécente et montrer ses sous-vêtements. Cela les oblige à penser de manière permanente à sa jupe lorsqu'elles croisent les jambes, les décroissent, se lèvent… « La jupe est aussi synonyme d'une vulnérabilité sexuelle, c'est un vêtement ouvert. Les dessous sont visibles aux moindres mouvements. En porter une, demande une maîtrise de la posture et de la gestuelle en permanence. » analyse Christine Bard.
Pour porter la minijupe, il faut aussi avoir le physique pour. Et c'est à cette période qu’apparaissent les régimes Weight Watchers. Pour rentrer dans sa minijupe, les femmes se doivent d'avoir un physique irréprochable. Mais si les femmes des années 60 se disent libérées pourtant elles se soumettent à un contrôle quotidien pour rentrer dans leurs vêtements. Ainsi, si elles commencent à s'émanciper de la société, avec la minijupe, les femmes restent contrôlées par cette envie d'être dans la norme. Le mannequin Twiggy est l'exemple parfait des femmes qui portaient la minijupe dans les années 60. Une femme au look androgyne.
Autre innovation : Le collant. Il était juste là réservé aux danseuses classiques. Mais avec une minijupe, impossible de porter des bas. En effet, cela friserait l’indécente et l’hyper sexualisation. Le collant permet aussi de garder une forme de pudeur. On montre ses jambes mais pas totalement.
( Les femmes se soumettent à des régimes strict pour rentrer dans leur minijupe, analyse Laurent Cotta. )
Surtout en portant des vêtements aussi courts, les jeunes françaises cherchent à se différencier de leur mère, à avoir leur propre identité et codes sociaux. Au début des années 1960, le vêtement des femmes est encore très conformiste; il n'y a pas beaucoup de différence entre celui de la mère et celui de sa fille. Leurs tenues sont souvent un ensemble avec jupe qui arrive sous le genou et un gilet en haut qui se mets par dessus. En se différenciant de sa mère, c'est une façon de se rebeller, de revendiquer une sensualité, un accès à la sexualité. En mettant une minijupe, on est sûre de déplaire à ses parents.
En mettant une minijupe et en montrant leurs jambes, elles enlèvent les barrières que la société leur a dictées pendant des années, elles expriment une envie de liberté et de disposer de leur corps comme elles l'entendent. Ainsi elles se placent à l'égal des hommes. Montrer ses jambes était inconcevable quelques années plus tôt, comme l'explique Christine Bard, historienne et spécialiste de l'histoire des femmes, « La minijupe remet en cause la pudeur au sens traditionnel du terme. Auparavant la femme devait tout cacher, bras et jambes. Avec la minijupe, montrer ses jambes devient possible. Les femmes se débarrassent de cette pudeur qui a permis de les contrôler moralement et sexuellement pendant des décennies par une société très patriarcale. La minijupe c'est le dévoilement par excellence mais un dévoilement contrôlé par les intéressées elles-mêmes. Pour l'époque, la minijupe est une révolution dans l'histoire du vêtement».
Au départ, si mettre une minijupe était pour elles une façon de se libérer de la société patriarcale dans laquelle elles vivaient et non de séduire, la minijupe ne va laisser personne indifférent et surtout pas les hommes. Les femmes attirent tous les regards et deviennent séductrices malgré elles.
( Laurent Cotta nous explique comment était perçue la minijupe par les hommes. )
La minijupe voit le jour au début des années 1960, en Angleterre, avant de conquérir la France quelques années plus tard. La première minijupe a été commercialisée en 1962 dans une petite boutique appelée « Bazaar » dans King's Road, un quartier de Chelsea à Londres. C'est une idée de Mary Quant, une jeune styliste de mode, autodidacte, dont le design était de style « pop ».
Un côté pratique et libérateur pour la jeune femme. Elle dira ainsi que « les femmes peuvent courir après un bus plus facilement.» En France, c'est André Courrèges, quatre ans après la fondation de sa maison couture, qui se saisit du phénomène. Il fait de la minijupe la pièce phare de sa collection Printemps-Eté 1965. Les jupes des deux stylistes sont radicalement opposées. Celle de Mary Quant est droite, tandis que celle d'André Courrèges est plus évasée: ce sont des jupes trapèzes. Par ailleurs, le créateur français ne s'est pas arrêté à la jupe. Il a également crée des robes courtes, aux couleurs très flashy ainsi que des combishorts. Dans les années 1960, c'est du court sinon rien.
MINI MINI...
Pour accéder à la page d'accueil, cliquez sur le mannequin en haut à gauche.
Pour accéder à la page précédente, cliquez sur le mannequin en bas à gauche.
Pour accéder à la page suivante, cliquez sur le mannequin en bas à droite.
Pour écouter les sons, passez la souris sur le visage de la personne puis cliquez sur lecture.
Pour les définitions, survolez la chaussure.
INSTRUCTIONS
“Je pense que la minijupe deviendra un jour un classique. Si ma grand-mère était encore vivante, elle en
porterait sûrement une!”,
Mary Quant
Si on prête la création de la minijupe aux deux stylistes, Mary Quant dira quelques années plus tard « Ni moi, ni Courrèges n'avons eu l'idée de la minijupe. C'est la rue qui l'a inventée ».
La minijupe inventée par Mary Quant n'est pas la minijupe que l'on connaît aujourd'hui. En effet, minijupe signifiait à cette période une jupe au-dessous du genou.. Pourtant à l'époque c'est déjà une révolution. Les jupes vont cependant, durant les années 1960, rétrécir petit à petit, pour atteindre le modèle de la fameuse jupe « dont la longueur ne doit pas excéder dix centimètres sous les fesses » au milieu de la décennie.
Au début des années 1970, sa taille est ridiculement petite, au point que certains la comparent à une ceinture. Mais la minijupe n'a pas été le seul vêtement à être raccourcit durant cette période, ce fut aussi le cas des robes.
Mais la minijupe, avant d'être une star des podiums de mode, va surtout être celle de la rue. Très vite, les jeunes femmes françaises se l'approprient et en font le vêtement à la mode. Les créations de Mary Quant et André Courrège étant trop chères pour elles, celle-ci se tournent vers des vêtements bon marché.
En effet, en pleine période des Trente Glorieuses, l'industrie française est en plein boom, et voit arriver le prêt-à-porter. Avec cela, on assiste à une élévation du niveau de vie des français. Ils ont un budget plus conséquent pour s'habiller. En 1966, 200 000 minijupes sont vendues en France.
( La mode de la rue dicte sa loi à la haute Couture, explication avec Laurent Cotta, historien de la mode. )
Le court ne va non plus laisser indifférent le milieu du show-business de l'époque. Porter une minijupe ou une robe très courtes conquiert toutes les classes sociales. Ainsi, les stars s'emparent du phénomène. Celle qui a assurément marqué les années sixties est l'inoubliable Brigitte Bardot.
« Déjà à la fin des années 1950, avec le film « Et dieu créa la femme », elle donnait l'image d'une femme libre de son corps et émancipé.e Le corps est déjà montré avec les stars de l'époque. Il fallait ensuite que le corps vienne dans la rue. Et c'est avec la minijupe que c'est arrivé». explique Bruno Benedic, sociologue.
Avec sa minijupe, ses mini robes et ses bottes hautes, Brigitte Bardot inspire toute une génération et devient l'emblème de l'émancipation des femmes et de la libération sexuelle.
Coco Chanel